28 Juillet 2015

Discuter des vérités qui fâchent : des mots difficiles à dire

5 min de lecture

De la difficile tâche de discuter des vérités qui fâchent quand on est un "manager au coeur tendre"

Les vérités qui fâchent objectives

Vous n'avez pas atteint l'objectif, réessayez

Il y avait une mission, avec des conditions de succès mesurables, des objectifs quantifiés (oui, ce sont des conditions préalables), et cette mission n'a pas été réussie. Si ce n'est jamais agréable de faire le constat d'un échec, ni pour la personne qui était responsable de la mission échouée, ni pour nous manager (est-ce que j'aurais pu faire quelque chose pour éviter cette situation ?), ces vérités là sont relativement faciles à formuler et partager. L'objectif n'est pas d'accuser ou de trouver un responsable à accuser pour cet échec mais bien de dresser un bilan constructif. Il faut alors :

  • Partager le constat d'échec avec le porteur. C'est-à-dire lister point par point les objectifs qui étaient attendus, et pourquoi il ne sont pas atteints. Là encore le pré-requis est d'avoir défini avant le début de la mission quels étaient les objectifs, et comment allait être mesurée l'atteinte de ces objectifs.
  • Faire un diagnostic des raisons de cet échec (humaines, liées à l'écosystème, organisationnelles, etc.).
  • Identifier les pistes d'amélioration pour ne pas reproduire l'échec.

A la fois pour le responsable de la mission s'il porte une part de responsabilité et pour la mission échouée pour ne pas perdre tout le bénéfice du travail engagé. Pour que l'exercice soit le plus efficace possible c'est le responsable de la mission qui doit être à l'origine de cette réflexion pour s'approprier plus facilement les pistes de progrès et reprendre confiance dans sa capacité de succès.

On ne trébuche jamais deux fois sur la même pierre (ou pas)

L'exercice devient plus ardu s'il y a eu faute. Il y a déjà eu un échec précédent, à cause (entre autre ou totalement) d'une erreur du responsable. Lors du bilan l'erreur avait été identifiée, et des pistes évoquées pour qu'elle ne se reproduise plus. Et pourtant lors d'un nouveau projet en échec, on constate les mêmes causes, avec les mêmes conséquences. Il est alors crucial de déterminer :

  • Si la faute est délibérée ou non (la personne a sciemment reproduit le comportement responsable de l'erreur).
  • Si elle est le fruit d'un manque de compréhension (des conditions qui conduisant à cet échec, des solutions à mettre en place pour l'éviter...).
  • Quelles seront les conséquences (ne plus confier ce type de mission à cette personne - quand c'est possible -, ne plus laisser la pleine responsabilité de ce type de mission lors des projets à venir,...).

J'exclus volontairement de mon propos des actes délibérés de malveillance. Il s'agit ici de trouver les moyens d'expliquer les conséquences d'un manquement répété (sur la confiance que l'on a dans l'employé et dans ses compétences) et comment restaurer cette confiance. Tout en restant honnête, l'objectif étant une correction du comportement, le discours peut s'articuler autour :

  • Des qualités habituelles de la personne et donc pointer l'écart entre la faute commise et le professionnalisme habituel de la personne.
  • Des raisons de cette faute et ses conséquences, en laissant s'exprimer la personne responsable sur son analyse de la situation.
  • Des actions à mettre en place pour corriger la situation (mener à bien la mission initiale, changement de l'organisation du travail pour restaurer la confiance, etc.).

Ce n'est pas la destination qui compte, mais le chemin pour y arriver

Cette fois la mission est réussie, les objectifs sont atteints, tout est au vert. Et pourtant il y a un problème : la façon de faire a été une catastrophe, ou plutôt en engendré des catastrophes. Par exemple :

  • La mission a été réussie, mais touts les autres responsabilités de la personne ont été complètement délaissées durant cette période et donc tout a pris du retard.
  • La mission a été réussie, mais les gens solliciter pour mener à bien les objectifs l'ont toujours été au dernier moment, sans anticipation sur leur disponibilité et la charge, ce qui a désorganisé toutes les activités autour du projet.
  • La mission a été réussie, mais avec un manque certain d'efficience, ce qui rend l'atteinte des objectifs bien moins intéressant pour l'entreprise.

Là aussi il faut dresser un bilan et identifier les pistes d'amélioration. Mais il est important de faire comprendre à la personne pourquoi, si la mission est un succès, on peut tout de même considérer qu'elle a échoué en tant que porteur. L'exercice est subtil, il ne faut pas diminuer la valeur du succès du projet et donc l'investissement de la personne dans sa mission et ses compétences, mais bien mettre en exergue le coût de ce succès pour l'organisation. Il ne faut jamais perdre de vue dans une organisation que l'ensemble de nos missions et projets servent le succès global de l'entreprise. La réussite d'un projet au détriment des autres est donc un échec, parce qu'in fine cela dessert l'entreprise.

En synthèse

Accompagner les membres de nos équipes au quotidien pour qu'ils s'améliorent, et s'assurer que les missions qui leur sont confiées ont été correctement réalisées sont deux des principales missions du manager. Et cela passe nécessairement par des discussions autour des échecs et des points d'amélioration. Pour que ces discussions soient le plus efficaces et constructives possibles, quelques bonnes pratiques s'imposent :

  • Rester factuel, exposer les faits et faire partager le constat à son collaborateur.
  • Toujours équilibrer les constats négatifs de points positifs : que ce soit les points réussis de la mission ou les axes d'amélioration sur lesquels travail.
  • Autant que possible ne pas imposer mais co-construire les pistes d'améliorations et les actions correctives à mettre en place avec la personne qui doit s'améliorer.

Quand on manage une équipe on est souvent confronté à ce type d'échanges. Chaque première discussion de ce type a été l'occasion pour moi d'apprentissages, par essai / erreur et par tâtonnement. Même après plusieurs années je ne trouve toujours pas facile d'avoir ce type de discussion, mais je me suis constituée cet éventail "d'outils" et de situations-types pour m'aider. Avec ça je me suis sentie moins manager débutant. Et puis le niveau de difficulté a augmenté, et il a fallu aborder des sujets plus complexes car beaucoup moins objectifs. Ce sera l'objet du prochain post : Discuter des vérités qui fâchent - level 2 : les vérités subjectives.